A04 : Seawatching au Cap Gris-Nez

Contexte

Le territoire du Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale possède de nombreux sites où le phénomène de la migration fait l’objet de suivis réguliers. La position du Cap Gris Nez dans le goulet d’étranglement du détroit du Pas-de-Calais en fait le site le plus remarquable de la région en ce qui concerne la migration des oiseaux. Contrairement à la majorité des sites de seawatch français, le Cap Gris Nez permet de suivre à la fois la migration de printemps et celle d’automne. Le site acquis par le Conservatoire du Littoral est reconnu à travers différents statuts de protection, comme Zone de Protection Spéciale (ZPS), incluse dans le réseau Natura 2000. Sur ce territoire priviligié pour les oiseaux migrateurs, le seawatching attire de nombreux observateurs bénévoles depuis 40 ans. L’objectif du programme seawtach est de dénombrer les effectifs de passage des différentes espèces de migrateurs afin de déterminer en premier lieu, la tendance des effectifs et d’étudier la phénologie de passage. Par extension, ce suivi pourrait corroborer des phénomènes liés au changement climatique, voire les changements de routes de migration.

Fiche mise à jour le ”25-10-2017” / Fiche révisée 4 fois


Méthodologie

Le suivi des oiseaux migrateurs comptabilise l’ensemble des espèces bien que l’accent soit mis particulièrement sur les oiseaux pélagiques (Fou de bassan, labbes, plongeons..) et côtiers sur le site du Cap Gris Nez. L’identification et le comptage sont réalisés par observation directe par les ornithologues qui scrutent le ciel de l’aube au coucher du soleil lors des deux périodes de migration. Les données sollicitées dans le cadre de l’observatoire sont issues du site Trektellen qui permet d’obtenir quelques chiffres clés concernant la migration des oiseaux, comme les effectifs, la richesse spécifique ou encore le temps d’observation. Les suivis sont effectués bénévolement par des ornithologues qui se relaient afin de suivre au mieux la migration des oiseaux marins et côtiers. L’interprétation des résultats doit donc être pondérée par le temps d’observations, le suivi étant avant tout un échantillonnage et non pas le reflet exact du flux migratoire en un temps donné pour une année donnée.

Résultats

La diversité des migrateurs empruntant le littoral français est en diminution ces dix dernières années, comme l’atteste la baisse de 12% du nombre d’espèces observées sur le site du Cap Gris Nez entre 2005 et 2015. Il est important de prendre en compte la baisse de 22% du temps d’observation depuis 2005 dans l’interprétation des résultats.SW_1
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Le nombre d’espèces pélagiques contactées durant la migration reste constant avec une vingtaine d’espèces en moyenne observées. Parallèlement, le nombre d’espèces côtières comptabilisées était plutôt stable même si on peut relever une légère baisse ces 5 dernières années. Cependant, on remarque une importante diminution des effectifs pour ces deux groupes dont une diminution importante pour le groupe des migrateurs côtiers qui passe de plus de 300 000 individus en 2005 à 100 000 en 2014. Les résultats, amplement influencés par le temps d’observations, ne permettent pas de déterminer les variations des comportements de migrations.SW_4 D’autre part, l’année 2015 affiche une migration en avril supérieure à la moyenne de ces dernières années. La migration prénuptiale semble plus regroupée sur ce mois, indiquant que des espèces réalisent leurs migrations en même temps. La migration post-nuptiale 2015 affiche des effectifs de passage plus importants que la moyenne au mois de septembre, puis un second passage très au dessus de la moyenne en novembre.

Interprétation

L’interprétation des résultats est sujette aux plus grandes précautions. En effet, les bilans des comptages présentés précédemment permettent d’apporter une estimation de la diversité des espèces et une estimation des effectifs. Ils permettent également à l’échelle d’une espèce d’appréhender sa phénologie. Cepednant, ces éléments sont tributaires du temps d’observations accordé au phénomène de la migration et se voient donc diréctemment impactés par celui –ci. Il semble important de garder à l’esprit qu’il est difficile de donner un sens à la migration tant les données obtenues proviennent avant tout d’un plaisir d’observation et non d’une étude scientifique (G.Flohart, comm.pers).
Les différents résultats ne permettent pas de montrer de manière avérée un changement de comportement des oiseaux migrateurs. La baisse générale des effectifs est un fait. Elle peut traduire possiblement le mauvais état de santé des populations avifaunistiques, même si, pour des migrateurs d’autres contrées, il est difficile de l’affirmer avec certitude. Parallèlement, cette tendance peut corroborer les hypothèses des effets du changement climatique sur la migration des oiseaux. Des comportements de sédentarisation peuvent être décelés chez certaines espèces (ex: Petit gravelot, Accenteur mouchet (Migraction, 2015)), tout comme le changement de routes de migration. De plus, les migrations prénuptiales semblent plus regroupées dans le temps avec des arrivées plus tôt dans le printemps sur les lieux de reproduction. Cette précocité peut être une cause de la mauvaise santé des populations, l’émergence des insectes ne correspondant pas à la période de nourrissage des jeunes. Par ailleurs, si l’hypothèse demande à être précisée, les migrations postnuptiales 2015 semblent être retardées, illustrées par un pic de passage en fin de saison. Dans le même ordre d’idée, les oiseaux hivernants semblent arriver de plus en plus tard dans notre région entre novembre et décembre; l’augmentation de la température dans les pays scandinaves pourrait rendre accessibles les ressources alimentaires sur une plus longue période.
Le maintien d’un suivi régulier avec, si possible, un protocole standardisé, une pression suffisante et régulière, semble primordiale pour surveiller ces changements de comportement des oiseaux migrateurs tout comme veiller à l’état de santé des populations pour évaluer les tendances à long terme.


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