A07 : Évolution des populations hivernantes de chauves-souris cavernicoles

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Contexte

Les chauves-souris, également appelées Chiroptères par les scientifiques, sont de petits mammifères fort utiles à l’Homme. En effet, ces animaux de 4 à 40g seulement sont de très grands consommateurs d’insectes. En ingérant chaque nuit l’équivalent de la moitié de leur poids, ils jouent un rôle primordial dans la régulation des populations d’insectes comme les moustiques, les papillons ravageurs de cultures (doryphore, pyrales) ou de forêts (pyrales, tordeuses), etc. Or, les populations de chauves-souris ont fortement régressé en Europe et en France à partir du milieu du 20è siècle. Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce constat dont la perte de leurs gîtes, la détérioration de leurs habitats et la raréfaction de leurs ressources alimentaires : les insectes.
Cela fait déjà presque 25 ans (1993) que ces animaux sont étudiés et suivis par la Coordination Mammalogique du Nord de la France (CMNF), dans le Nord – Pas-de-Calais et le Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale. Outre le fait de recenser et connaître les espèces présentes, l’objectif de ces inventaires est d’étudier l’évolution de leurs populations à des fins de conservation.
Par la diversité de ses paysages, le PNR des Caps et Marais d’Opale joue un rôle majeur dans la préservation de ces mammifères. En effet, 80 % des espèces régionales (22) sont recensées sur le territoire et plus de la moitié des espèces présentes en France. On y retrouve notamment le Grand Rhinolophe, le Grand Murin ou le Murin d’Alcathoe qui sont rares à l’échelle du Parc. C’est aussi l’un des derniers secteurs de France où l’on peut encore observer le Murin des marais, l’espèce la plus rare de France métropolitaine. Cette grande diversité d’espèce de chauves-souris est liée au milieu naturel riche et diversifié.
D’importants efforts de recherche de nouveaux gîtes et de suivis de sites d’hibernation connus sont engagés par le Parc avec la CMNF. Il s’agit d’ailleurs d’une des principales méthodes pour suivre l’évolution des populations de chauves-souris.

Fiche mise à jour le ”08-11-2017” / Fiche révisée 4 fois


Méthodologie

Par l’absence de nourriture en hiver, les chauves-souris sont contraintes de rentrer dans une phase profonde de léthargie. Elles vont ainsi hiberner dans le but d’économiser leur énergie. Durant cette saison hivernale, elles vont rejoindre des sites souterrains bien abrités (caves, blockhaus, carrières souterraines) où elles s’y regroupent à plusieurs espèces. Complètement endormies, elles sont alors plus facilement identifiables et surtout, dénombrables. Les scientifiques peuvent dès lors bénéficier de données chiffrées et les comparer d’années en années.
Depuis les premiers inventaires de chauves-souris de la CMNF en 1993, plus de 1200 gîtes d’hiver ont été répertoriés sur l’ensemble du territoire du Nord-Pas-de-Calais dont 262 sont identifiés au sein du Parc. Tous ces sites ne peuvent être suivis annuellement et durablement, bien que d’importants efforts soient déployés. Afin d’avoir toujours la même base de comparaison, 9 sites d’hibernation témoins ont été identifiés par la CMNF sur le territoire du Parc. Ces sites ont été choisis pour plusieurs raisons :

  • ils sont disséminés sur l’ensemble du territoire, ce qui assure une vision globale ;
  • ils ont tous fait l’objet de mesures de mise en sécurité, d’aménagement et de protection, ce qui garantit la pérennité d’accueil du site (limitation des dérangements) ;
  • ils sont bien connus des naturalistes qui les suivent. Ils savent dans quels interstices trouver les chauves-souris et limiter ainsi les biais dû à la capacité de détection des animaux.

Tous ces sites sont recensés annuellement, à une seule reprise au cours du mois de janvier. Les individus sont identifiés visuellement (aucune manipulation) avec une lampe torche de faible puissance pour limiter tout dérangement. La diversité des espèces et l’évolution des effectifs sont ainsi contrôlées et comparées.

Résultats 2016 et évolution

Sur les 262 gîtes d’hibernation connus sur le Parc, 90 ont été prospectés en 2016 et ont permis de recenser 1250 chauves-souris, réparties en 11 espèces. Cela représente 31 % des effectifs totaux recensés cette même année sur le Nord – Pas-de-Calais.

Comparaison des effectifs totaux des chauves-souris inventoriées en hibernation en 2016, entre le territoire du Nord - Pas-de-Calais et le Parc (source : CMNF, 2017)

Tableau 1 : Comparaison des effectifs totaux des chauves-souris inventoriées en hibernation en 2016, entre le territoire du Nord – Pas-de-Calais et le Parc (source : CMNF, 2017)

Évolution des effectifs totaux hivernants, dénombrés sur l'ensemble du Parc et du nombre de sites visités, de 1993 à 2016 (source : CMNF, 2017)

Figure 1 : Évolution des effectifs totaux hivernants, dénombrés sur l’ensemble du Parc et du nombre de sites visités, de 1993 à 2016 (source : CMNF, 2017)

Depuis les premiers inventaires au sein du parc, c’est en 2010 que le maximum d’individus a été dénombré, avec 1388 chauves-souris comptées. Sur les 10 dernières années, ce sont en moyenne 1216 chauves-souris qui ont été dénombrées.

Évolution des effectifs totaux hivernants, dénombrés sur les 9 sites témoins du Parc, de 2007 à 2016 (Source : CMNF, 2017)

Figure 2 : Évolution des effectifs totaux hivernants, dénombrés sur les 9 sites témoins du Parc, de 2007 à 2016 (Source : CMNF, 2017)

921 chauves-souris ont été dénombrées sur les sites témoins en 2016, ce qui représente près de 75 % des effectifs comptabilisés sur le Parc. Depuis 2007, 10 espèces différentes ont pu être observées sur ces sites dont 4 espèces patrimoniales, rares et menacées en Nord – Pas-de-Calais : le Grand Rhinolophe, le Grand Murin, le Murin à oreilles échancrées et le Murin des marais.

Évolution des effectifs hivernants des 4 espèces patrimoniales des sites témoins, de 2007 à 2016 (Source : CMNF, 2017)

Figure 3 : Évolution des effectifs hivernants des 4 espèces patrimoniales des sites témoins, de 2007 à 2016 (Source : CMNF, 2017)

Interprétation

Le territoire du PNR des Caps et Marais d’Opale a un important rôle à jouer dans la conservation des populations d’espèces de Chiroptères. En effet, sur les 15 espèces observables en hiver en Nord – Pas-de-Calais, au moins 11 sont présentes sur son territoire. En l’état actuel des connaissances, le Parc héberge la totalité des effectifs nationaux hivernants de Murin des marais et les 3/4 des effectifs de Grand Rhinolophe et de Murin à oreilles échancrées du Nord – Pas-de-Calais.
Le nombre de chauves-souris observé en hiver sur le Parc est corrélé avec le nombre de sites visités. D’importants efforts d’inventaires sont menés depuis 2009 ce qui explique les plus grands effectifs observés depuis cette année là. L’amélioration des connaissances sur le territoire permet par ailleurs de mieux cibler les sites d’intérêt. Ainsi, même si le nombre de sites inventorié diminue depuis 2014, les effectifs totaux restent sensiblement identiques.
Les fluctuations annuelles des effectifs sont à relier aux variations des conditions météorologiques hivernales à la période des recensements. Le maximum observé en 2010 correspond à une longue vague de froid durant le mois de janvier, ce qui avait contraint un plus grand nombre de chauves-souris à rejoindre les sites souterrains. Ce fut le cas à la forteresse de Mimoyecques où un record de 568 individus au total avait été atteint.
Les résultats de 2016 montrent l’importance de 9 gîtes témoins pour les populations de chiroptères du territoire. En effet, avec près de 75 % des effectifs, ces sites sont d’une importance majeure, dont notamment la forteresse de Mimoyecques située à Landrethun-le-Nord qui constitue un véritable bastion. Les effectifs totaux observés sur les sites témoins depuis 2007 (année de mise en place de comptages standardisés), semblent montrer une légère progression dans le temps. Ceci est notamment dû aux importants effectifs de Murin à oreilles échancrées qui augmentent d’année en année, ainsi que ceux du Grand Rhinolophe. A contrario, ceux du Murin des marais accusent une tendance à la baisse alors que les effectifs sont déjà très faibles. Le Grand Murin est quant à lui plus anecdotique et aucune tendance ne se dessine à ce jour.
Ces résultats positifs sont à mettre en relation avec la politique du Parc et de ses partenaires en faveur de la préservation des populations de Chiroptères. La mise en sécurité des sites d’une part et leur aménagement spécifique pour les chauves-souris d’autre part, portent leurs fruits. Pour autant, les effectifs de certaines espèces restent trop faibles pour que la population se maintienne sur le long terme. C’est le cas du Murin des marais (moins de 10 individus à l’échelle nationale) et du Grand Rhinolophe (moins de 200 individus à l’échelle du Nord – Pas-de-Calais). Pour ces deux espèces, la découverte de nouvelles colonies estivales de reproduction à proximité du territoire du Parc présage peut-être de nouvelles perspectives conservatoires dans les années à venir.
Enfin, notons que les résultats de ces indicateurs concernent uniquement les espèces dites cavernicoles. Les effectifs des comptages hivernaux ne reflètent donc pas la totalité des populations de chauves-souris sur le territoire du Parc. En effet, ils ne permettent pas de dénombrer les espèces hivernantes dans le creux des arbres ou dans les combles des bâtiments par exemple.

Localisation des sites d'hibernation et gîtes suivis annuellement (source: PNRCMO, 2015)

Figure 4 : Localisation des sites d’hibernation et gîtes suivis annuellement (source: PNRCMO, 2015)


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