B03 : Suivi du Blongios nain (Ixobrychus minutus) sur le Marais Audomarois

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Contexte

Le Blongios nain (Ixobrychus minutus), plus petit héron d’Europe, est en très forte régression dans toute l’Europe et en France. En cause, la disparition ou la modification de son habitat et de la forte mortalité de l’espèce pendant sa migration. Au niveau régional, les effectifs sont passés de 80 couples estimés à la fin des années 70, à une petite dizaine ces 10 dernières années. Blongios_1Avec 3726 ha maillés de plus de 700km de voies d’eau, le marais audomarois est constitué d’une véritable mosaïque de paysages (fossés, étangs, cours d’eau ou encore zones maraîchères) où la nature a conservé une place importante avec de nombreuses espèces qui font l’objet de plans d’actions nationaux ou régionaux parmi lesquels figure le Blongios nain (Ixobrychus minutus). Depuis 1995, le syndicat mixte du Parc a mis en place un suivi sur la population de Blongios nain reproductrice du marais audomarois. Ce dernier vise notamment à mieux connaître le statut de l’espèce, d’étudier les tendances d’évolution de la population et permet d’évaluer l’évolution de la qualité du marais.

Fiche mise à jour le ”26-10-2017” / Fiche révisée 4 fois


Méthodologie

Pour réaliser le suivi de la population, un protocole standardisé a été mis en place : 6 itinéraires d’échantillonnages ont été déterminés sur les différents sites du marais audomarois. Ces parcours sont composés de différents points fixes d’observations de 20 minutes. Ainsi, le protocole est basé sur les observations visuelles et auditives de l’espèce où tous les contacts sont relevés. L’ordre des points est permuté toutes les décades avec des horaires de passages différents. Les données analysées sont donc issues de l’échantillonnage réalisé par le syndicat mixte du Parc et EDEN 62.

Résultats

L’effectif estimé en 2015 de la population du Blongios nain sur le marais audomarois est de 0 à 3 couples. Aucun nicheur certain n’a été observé cette année. 2 nicheurs probables ont été identifiés sur le marais avec des observations fréquentes sur un même secteur dans des habitats favorables à sa reproduction et 1 nicheur possible a été détecté.
64 observations de l’espèce ont été notées durant le suivi. Avec 18 contacts, le mâle représente 78% des observations avec une majorité réalisées sur la Réserve Naturelle Nationale des étangs du Romelaëre. Cela peut s’expliquer par une arrivée plus précoce sur les secteurs de nidification mais aussi par une activité plus importante lors de la période de chant.
Le premier contact de l’espèce a eu lieu le 7 mai 2015, décelé lors du chant de l’espèce. La première observation visuelle de l’espèce a eu lieu le 12 mai 2015. La date d’arrivée du Blongios nain sur le marais s’inscrit dans la continuité des observations faites depuis la mise en place du suivi.Blongios 2
L’effectif estimé en 2015 reste donc encore très faible et stable pour ces 4 dernières années.
On peut observer sur les 20 dernières années du suivi une fluctuation importante de la population du marais, illustrée par 3 à 38 couples possibles sur cette période. Les 5 premières années du suivi marquent une certaine stabilité de l’espèce sur le marais, puis témoignent d’un redressement important de ses effectifs au début des années 2000, pour de nouveau régresser à partir de 2012 et atteindre 3 à 4 couples possibles depuis 2013.
Sur le territoire du Parc, l’espèce n’est connue que du marais audomarois. Il peut arriver qu’elle soit observée occasionnellement sur d’autres zones humides comme au marais de Guînes ou en Baie de Wissant.

Interprétation

L’interprétation des résultats est sujette aux plus grandes précautions. Le Blongios nain est réputé pour être une espèce difficilement observable et discrète. De plus, les critères conduisant à la détermination ‘une nidification certaine sont difficilement observables pour le Blongios. Par exemple, des observations de construction d’un nid pour l’espèce n’ont été obtenues que 2 fois en 20 ans de suivi.
Malgré une légère tendance à se stabiliser depuis 2013, les résultats 2015 confirment, cette année encore, le mauvais état de santé de la population nicheuse du Blongios nain sur le marais audomarois.
Les raisons avancées qui expliqueraient ces fluctuations de populations rejoignent les différentes hypothèses émises ces dernières années à savoir essentiellement les problématiques liées aux conditions d’hivernage de l’espèce et à sa migration. En effet, le marais audomarois n’a pas, a priori, connu de changements majeurs pouvant impacter de manière directe les conditions écologiques des sites de reproduction présents. Un certain nombre de composantes écologiques peuvent cependant influencer l’état de santé de la population du Blongios nain sur le marais mais restent difficilement quantifiables et/ou nécessiteraient des études lourdes et complexes à mettre en œuvre (impacts de la pollution des métaux lourds sur les populations piscicoles et amphibiens). Les ressources alimentaires semblent probablement toujours abondantes au vu des effectifs d’autres ardéidés tels que le Héron cendré ou l’Aigrette garzette sur le marais.
Il est supposé que les variations de périodes sèches et humides sur l’ensemble de l’Afrique avec une tendance à l’assèchement des sites d’hivernage et des problèmes de gestion des pollutions dans le Delta du Niger pourraient affecter les flux migratoires de l’espèce.
Le Blongios nain, emblème du Parc, nécessite que l’on réalise chaque année le suivi de la population présente sur le marais audomarois afin d’évaluer et confirmer les tendances d’évolution de la population. Si le problème demeure sur les sites d’hivernage, l’espèce pourrait bien disparaitre du marais audomarois. Et même si les conditions d’hivernage venaient à s’améliorer, la restauration de la population audomaroise pourrait mettre quelques années avant d’être effective.
Le Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale incluant le marais audomarois, étant un des très rares territoires à suivre cette espèce particulièrement, porte donc une responsabilité particulière pour la connaissance de l’espèce. Il semble important de continuer à sensibiliser les acteurs et usagers du marais et assurer la protection de l’ensemble des milieux naturels. Il pourrait également être envisagé de développer le réseau d’observateurs en y intégrant à l’avenir les données produites au sein du SIRF.


En savoir plus

  • Alauda 74 (1), 2006 : 155-170. Statut du Blongios nain Ixobrychus minutus en France entre 1968 et 2004 et causes probables de l’évolution de ses effectifs.
  • BARBIER L. & BOILEAU N., 1999 – Aspects méthodologiques concernant le suivi d’une population de Blongios nain Ixobrychus minutus. Rapport annuel GEBN n°2 : 22-31
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