Contexte
Initié en 1967, le comptage des oiseaux d’eau s’inscrit dans le cadre du programme coordonné par Wetlands International sur toute la planète et fournit des données cruciales pour la conservation des populations d’oiseaux d’eau et des zones humides qui constituent leurs habitats. Il a pour objectifs d’évaluer la taille des populations et leurs tendances d’évolution.
L’abondance et la diversité des communautés d’oiseaux sont de bons indicateurs pour mesurer la qualité d’un milieu et, en particulier, celle des zones humides. Dans le Nord – Pas-de-Calais, l’effectif annuel des oiseaux d’eau hivernants s’élève en moyenne à 107 000 individus recensés dans les 179 sites élémentaires (Ward, 2011) du réseau des sites Wetlands au cours des vingt dernières années. Les bilans des recensements ont montré l’importance des sites côtiers du Nord– Pas de Calais pour le stationnement de l’avifaune hivernante et a contrario, un certain manque d’attractivité des zones humides intérieures. Avec 3 726 ha maillés de plus de 700 km de voies d’eau et plus de 158 ha de plans d’eau (PNR CMO, 2012), le marais Audomarois qui constitue la plus grande zone humide du parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale et du Nord – Pas-de-Calais, a toute sa place dans le réseau Wetlands. Accueillant une part importante de la biodiversité régionale, il a, en outre, été identifié, en 2009, pour la conservation des oiseaux d’eau parmi les sites prioritaires reconnus par la convention de Ramsar pour la protection des zones humides.
Fiche mise à jour le ”16-11-2017” / Fiche révisée 11 fois
Méthodologie
L’intérêt des dénombrements hivernaux est de calculer une tendance de l’évolution des effectifs des populations d’espèces recensées. Pour assurer la fiabilité des analyses réalisées à partir des données recueillies, il est nécessaire de reconduire chaque année le même protocole de dénombrement, à la même période de l’année, sur des parcours identiques et autant que possible par des observateurs ayant un niveau de compétence équivalent. Dans l’Audomarois, 8 parcours permettent de couvrir les 3 sites élémentaires qui composent le marais Audomarois : la RNN du Romelaëre, l’Aa canalisée et le reste du marais dénommé cuvette Audomaroise. À la mi-janvier, les oiseaux d’eau sont dénombrés à vue (jumelles et longues-vues) et comptabilisés pour chaque site élémentaire. Les bilans annuels donnent une image des effectifs hivernants et leur comparaison au fil du temps permet de mesurer l’évolution des effectifs et celle des capacités d’accueil du marais Audomarois pour les oiseaux d’eau hivernants. Ils permettent également de déterminer les fonctionnalités des différents secteurs du marais pour les oiseaux (repos et gagnage) et de déceler leurs éventuels changements au fil des années.
Résultats 2016
27 espèces d’oiseaux ont été dénombrées en 2016 (contre 44 en 2015) lors du comptage Wetlands, réparties en 3 groupes : les Limicoles (bécassines, vanneaux), les Laridés (mouettes, goélands) et le grand groupe dénommé « Plongeons aux Alcidés » composé des autres espèces spécifiques des zones humides : Ardéidés, Anatidés, Rallidés, grèbes…
4 238 oiseaux d’eau ont été observés en moyenne annuelle (écart type = 870) au cours de la période 2006 – 2016. Avec une augmentation modérée de 5,5 % sur les 10 dernières années, l’évolution du groupe « Plongeons aux Alcidés » apparaît comme relativement stable. Les effectifs des Limicoles ont progressé de 7,6 % sur la même période (avec un pic en 2007 en raison d’un important stationnement de Vanneaux huppés). La progression des Laridés s’élève à 5,3 % avec une grande variabilité interannuelle (Figure 2).
Avec 4 545 oiseaux, le groupe des Plongeons aux Alcidés représente 95 % des oiseaux observés en 2016. Les Râlidés sont de loin les plus nombreux avec 52 % de l’effectif total du marais, représentés par la Foulque macroule (38 %) et la Gallinule Poule d’eau (13 %). Les Anatidés représentent 35 %, dominés par le Canard colvert (17 %) suivi de la Sarcelle d’hiver et le Cygne tuberculé qui comptent chacun pour 5 % du total.
Les Limicoles sont très peu représentés dans les comptages en raison du manque de sites remplissant les conditions d’accueil favorables (tranquillité et disponibilité en vasières découvertes et prairies humides) mais aussi en raison de la discrétion de certaines espèces (bécassines par exemple). En effet, ils ne représentent en 2016 que 1,9 % des effectifs globaux. Le Vanneau huppé est l’espèce la mieux représentée de ce groupe avec, cependant, des effectifs plutôt anecdotiques (65 individus).
Les effectifs de Laridés sont également très faibles en 2016 avec peu de stationnements sur les plans d’eau et dans les prairies humides.
Avec 248 Cygnes tuberculés, le marais Audomarois atteint comme quasiment chaque année, le niveau d’importance nationale en 2016. (seuil national : 197 individus ; WI, 2016).
La répartition des résultats entre chacun des sites semblent assez stables depuis 2010 (Figure 1).
Compte tenu de sa superficie, la cuvette Audomaroise est logiquement le site élémentaire le plus important du marais. Il regroupe, toutes espèces confondues, 76 % des effectifs avec 3 648 individus de 22 espèces d’oiseaux d’eau recensés, l’intégrant parmi les sites élémentaires remarquables du Nord – Pas-de-Calais avec 3 % de tous les oiseaux comptés dans le Nord – Pas-de-Calais.
Avec 899 oiseaux appartenant à 20 espèces différentes, soit environ 90 oiseaux aux 10 ha, le Romelaëre mérite bien son statut de ZPS et de réserve naturelle nationale et confirme le constat de l’enquête nationale qui a révélé l’importance des milieux protégés pour le stationnement des oiseaux d’eau (IFEN, 2006). C’est là, en particulier, que passent la nuit, les Grands Cormorans, les Aigrettes garzettes, les Grandes Aigrettes et les Hérons garde-bœufs et où se reposent, de jour, une grande partie des Anatidés hivernants.
Le site élémentaire de l’Aa canalisée n’accueille que des effectifs faibles d’un nombre restreint d’espèces (Figure 3), essentiellement des Foulques macroules, Gallinules poule-d’eau, Mouettes rieuses, Canards colverts semi-domestiques et Grèbes huppés.
Interprétation
La date du recensement Wetlands est programmée chaque année à la mi-janvier pour ne prendre en compte que les oiseaux véritablement en hivernage au coeur de l’hiver, pour pouvoir mesurer la capacité d’un site à accueillir des hivernants. Cette date permet, autant que possible, d’éviter d’y inclure les effectifs en migrations qui viendraient biaiser les tendances propres aux hivernants.
Lors des forts épisodes neigeux et froids qui peuvent survenir plus au Nord comme en 2010-2011, des mouvements éphémères dus à ces mauvaises conditions météorologiques à la mi-janvier influent sur les comptages et sont pris en compte dans l’analyse des tendances pour distinguer les anomalies dans les effectifs et les corréler avec les conditions des recensements.
La mi- janvier 2016 a été marquée par une relative douceur qui n’a pas entrainé d’afflux notables d’oiseaux des pays d’Europe du nord-ouest, ce qui a permis aux espèces hivernantes de rester sur place et d’avoir une image représentative des effectifs hivernants dans l’Audomarois à la fin de la saison de chasse au gibier d’eau
Les effectifs comptés à la mi-janvier depuis 10 ans sont relativement stables avec une progression moyenne sur la période de 5,5 %. Les variations interannuelles résultent de celles des effectifs des 3 espèces dominantes : Foulque macroule, Canard colvert et Gallinule poule-d’eau, et, plus occasionnellement, du Vanneau huppé.
L’analyse de la répartition des espèces par site élémentaire a permis de mettre en évidence le rôle fonctionnel des secteurs du marais pour l’hivernage des oiseaux d’eau. L’Aa canalisée aux berges artificialisées où les oiseaux sont fréquemment dérangés par le passage des péniches n’est fréquentée que par quelques oiseaux piscivores comme les cormorans, et surtout des Rallidés et des Laridés qui recherchent les déchets organiques flottants.
La mosaïque d’habitats dans le Romelaëre et sa relative tranquillité favorisent le repos des oiseaux en hivernage qui se nourrissent de préférence dans la cuvette Audomaroise, démontrant l’interdépendance cruciale entre ces deux parties du marais Audomarois qui constituent le domaine vital indispensable à la présence d’une grande variété d’oiseaux. Seul le maintien de cette complémentarité assurera la pérennisation de la qualité de cette zone humide et de sa présence dans les réseaux Natura 2000 et Ramsar.
En savoir plus
- Gaudard C., Quaintenne G., Ward A., Dronneau Ch. & Dalloyau S. à paraître. Synthèse des dénombrements d’Anatidés et de foulques hivernant en France à la mi-janvier 2016. WI, LPO, DEB. Rochefort.
- Ward, A. 2016. Recensement de la population de Cygnes tuberculés dans le marais audomarois Wetlands International Janvier 2016. Rapport GON – WI. 3 p.