Contexte
Le Pouillot siffleur et la Marouette ponctuée sont des espèces inféodées à des habitats très spécifiques et particulièrement rares sur le territoire du Nord et du Pas-de-Calais. Les populations régionales de ces deux espèces sont donc fragiles et font l’objet de plans régionaux de restauration. Lors du récent travail de renouvellement de la liste rouge, le statut de menace du Pouillot siffleur en région a été évalué à « En Danger », celui de la Marouette ponctuée à « En danger critique d’extinction » (Beaudouin & al, in prep).
Cette initiative, qui visait à établir les enjeux de conservation et proposer des actions en faveur des espèces ciblées, vit sa phase d’animation régionale abandonnée en 2016.
En dépit de cela, les acteurs de la conservation se sont appropriés ces « outils » pour les décliner à l’échelle de leurs territoires, comme ce fut le cas pour le Parc dans le cadre de son Observatoire.
Méthodologie
Conformément aux fiches présentées dans les plans de restauration, les actions principales ciblées pour la Marouette ponctuée sont de :
- suivre les populations en période de reproduction (fiche 3.1),
- améliorer les connaissances (fiche 3.2),
Et pour le Pouillot siffleur de :
- suivre les effectifs en période de nidification (fiche 1.1 du plan),
- améliorer la connaissance de sa biologie et de son écologie quand cela est possible.
C’est dans ce cadre qu’on eut lieu en 2015, une enquête régionale sur la Marouette ponctuée et en 2016, une enquête sur le Pouillot siffleur.
Résultats 2016
Pouillot siffleur (Phylloscopus sibilatrix)
L’enquête régionale sur le Pouillot siffleur a permis de couvrir pour la première fois les plus importants massifs forestiers du Nord et du Pas-de-Calais au cours d’une même année. Sur 350 points d’écoute réalisés, 81 l’ont été sur le territoire du Parc (soit 26%) Les figures suivantes montrent la répartition des massifs forestiers et des mailles suivis à l’échelle régionale (figure 1) et sur le territoire du PNR CMO (figure 2).
Au cours de l’année 2016, 4 mâles chanteurs ont été recensés sur le territoire du PNR Caps et Marais d’Opale. Les individus ont été contactés dans les massifs de Clairmarais (1), d’Eperlecques (2) et d’Hardelot (1) mais tous hors points d’écoute.
Bien que peu nombreuses, les observations opportunistes révèlent pourtant la présence historique du Pouillot siffleur dans de nombreux massifs du territoire du Parc (forêts domaniales de Boulogne, Desvres, d’Ecault, d’Hardelot ; Forêt d’Eperlecques, bois de Recques et du Camp Brehout près de la commune de Clerques (mais rien ne permet d’écarter des chanteurs de passage) (SIRF, 2017).
Des recherches spécifiques menées ponctuellement de 2010 à 2015 ont permis de révéler la présence de quelques mâles chanteurs sans avoir une réelle photographie de la taille de la population :
- forêt d’Eperlecques, 2010 : au moins deux mâles chanteurs et nicheurs probables (Millot, comm. pers.).
- des recherches spécifiques menées ponctuellement dans certains massifs comme Desvres de 2013 à 2015 n’ont, quant à elles, révélé aucun individu (SIRF, 2017).
Si l’étude a permis d’évaluer la taille de la population régionale grâce à une méthode statistique (Une population du Nord et du Pas-de-Calais évaluée à 110 – 480 cantons (Mahiez, 2016.) une telle estimation n’a pu être réalisée à l’échelle du territoire du Parc où seuls 4 individus ont été contactés, et ce hors protocole (aucun individu détecté sur les 81 points d’écoute réalisés).
Quelques tendances en terme de préférence d’habitat ont été récoltées :
- la présence d’une pente orientée vers le sud ;
- une strate herbacée dont le recouvrement est compris entre 6 et 25 % ;
- une strate herbacée constituée d’Anémones des bois et de Chèvrefeuilles des bois ;
- une hauteur de strate arbustive comprise entre 4 et 8 m (le plus souvent proche des 8 m) possédant un recouvrement supérieur à 75 % ;
- une strate arborescente composée de Charmes communs et de Hêtres communs.
A l’inverse, de faibles corrélations négatives et significatives semblent indiquer que l’installation du Pouillot siffleur est limitée par une strate herbacée de plus de 50 cm de haut, au recouvrement supérieur à 76 % ainsi qu’une hauteur de strate arbustive comprise entre 0,5 et 2 m.
Les modes de gestion forestière à favoriser pour la conservation de cette espèce semble être le taillis sous futaie ainsi que la futaie irrégulière de feuillus.
En savoir plus
- BEAUDOIN. C (2014). Plan régional de restauration Pouillot siffleur – Phylloscopus sibilatrix – en Nord – Pas de calais. Groupe ornithologique et naturaliste du Nord – Pas de Calais. Pour le Conseil Régional Nord – Pas de Calais. 54pp
- Mahiez, Y., 2016. Etude de la population nicheuse de Pouillot siffleur Phylloscopus sibilatrix dans le Nord – Pas-de-Calais en 2016.
- Millot A. (2017). Synthèse naturaliste du marais audomarois. PNR caps et marais d’Opale. 75pp
Marouette ponctuée (Porzana porzana)
Au cours d’une enquête menée en 2015 dans le Nord et le Pas-de-Calais, la population nicheuse de la Marouette ponctuée a été évaluée à 10 mâles chanteurs, tous recensés dans le territoire du Parc (3 dans le marais de Guînes et 7 dans le marais Audomarois) (Legroux, 2015 ; Albert Millot, com. pers.).
En 2016, malgré l’absence d’enquête régionale spécifique un suivi a tout de même été mené sur les principales zones humides favorables à l’espèce, nous permettant d’estimer sa population nicheuse à approximativement 11 mâles chanteurs répartis entre le marais Audomarois (8) et le marais de Guînes (3).
Si on exclue 2015 (où la pression d’observations fut inhabituellement forte à cause de l’enquête régionale) on note tout de même à court terme une progression des effectifs nicheurs observés au cours des 3 dernières années dans le territoire du Parc (11 en 2016, 10 en 2015 et 4 en 2014) (Legroux, 2015 ; Albert Millot, com. pers.), années au cours desquelles nous pouvons supposer que les principaux sites de nidification ont été suivis (Cédric Beaudoin, com. pers.).
Interprétation
Le territoire du Parc abrite une population de Pouillot siffleur dont la taille ne peut être évaluée en l’état actuel des connaissances. Au cours de l’année 2016, 4 mâles ont été recensés sur 3 massifs forestiers différents (Cédric Beaudoin, com. pers.), chiffre le plus élevé des années post-2000.
L’espèce connait vraisemblablement une régression importante comme le laissent entrevoir les données anciennes disponibles à l’échelle du Parc. En effet, l’espèce a, semble-t-il, délaissé des bastions historiquement connus comme les forêts domaniales d’Ecault et de Clairmarais (SIRF, 2017).
Une enquête concentrée sur le territoire du parc pourrait permettre de détecter les derniers cantons restants et d’informer les gestionnaires forestiers sur les stations sensibles. Cela permettrait d’ d’évaluer la taille de la population locale, sur la même base que celle réalisée à l’échelle du Nord et du Pas-de-Calais. Des éléments descriptifs des points d’écoute pourraient permettre de caractériser l’habitat utilisé par l’espèce sur le territoire du Parc et d’orienter en conséquence les actions de gestion en sa faveur.
Concernant les populations de Marouette ponctuée, à court terme, celle-ci semblent augmenter tout en restant cantonnés à quelques sites de nidification au cours des années 2015 et 2016. Une veille attentive doit être portée sur les deux uniques sites de nidification recensés au cours de ces deux dernières années pour confirmer cette hypothèse.
L’espèce semble étroitement liée à la gestion des niveaux d’eau. La stabilisation de ces derniers dans le Marais de Guînes pourrait donc être un des facteurs clé de la présence de l’espèce au cours des dernières années (Vincent Pilon, comm. pers.). Par ailleurs, les observations de nicheurs possibles en 2015 coïncident assez finement avec des secteurs restés en eau en période de nidification (Legroux, 2015).
Le complexe des marais Audomarois et de Guînes apparaissent, à la lumière des observations des 3 dernières années, comme des sites majeurs de nidification de la Marouette ponctuée dans le Nord et le Pas-de-Calais.
En savoir plus
- BEAUDOIN. C (2014). Plan régional de restauration Marouette ponctuée – Porzana porzana – en Nord – Pas de calais. Groupe ornithologique et naturaliste du Nord – Pas de Calais. Pour le Conseil Régional Nord – Pas de Calais. 54pp
- Desrumaux H., (2005, 2006, 2007, 2008) Suivi ornithologique de la Réserve du Romelaëre.
- Legroux, N., 2015. Synthèse de l’enquête Marouette ponctuée Porzana porzana dans le Nord – Pas-de-Calais. Année 2015. GON – Conseil régional du Nord – Pas de Calais, DREAL Nord – Pas-de-Calais, Unio européenne. 15 pages.
- Millot A. (2017). Synthèse naturaliste du marais audomarois. PNR caps et marais d’Opale. 75pp